What Remains

What Remains : Une exposition pour sensibiliser à la maladie d’Alzheimer

Sensibiliser à la maladie d’Alzheimer via des polaroids, c’est ce que propose l’exposition « What remains ». Pour Sarah Basha, l’artiste, l’objectif est de mettre en avant des portions de vie. De raconter la personne plutôt que sa maladie. What Remains a été inaugurée ce 6 septembre dernier à l’occasion du mois mondial de la maladie d’Alzheimer. La Ligue Alzheimer ASBL y a participé et a eu l’occasion d’interviewer Sarah Basha.  

What Remains - Sarah Basha

Quel est le principe de l’exposition ?

L’idée est venue du fait qu’un jour, j’ai lu que les polaroids s’effaçaient. Les artistes qui utilisent des polaroids font de ce fait un tas de choses pour essayer de les retenir. Je trouvais que ça reflétait l’expérience que j’avais eue de la maladie d’Alzheimer. Souvent, on a peur de ce que l’on a l’impression de perdre, mais en fait, il subsiste toujours quelque chose. Pour la maladie, il reste toujours une essence, (étant l’essentiel). Pour le polaroid, il reste également une trace.

L’idée est venue comme ça et très franchement, j’avais envie de l’explorer pour moi-même, sans aucune arrière-pensée. Très vite, je me suis rendu compte que ça pouvait servir comme outil. L’art peut servir comme outil pour parler d’une maladie dont on ne parle pas dans les galeries ou ailleurs que pour les gens qui sont directement affectés par elle.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la maladie d’Alzheimer ?

Mon papa a eu la maladie d’Alzheimer. Je suis quelqu’un de très curieux et j’ai toujours voulu comprendre. J’avais l’impression que notre expérience était peut-être différente d’autres, je voulais  donc connaître d’autres expériences. Le projet m’a par ailleurs réconforté, car j’avais pour idée  que quand on aime les gens, quand on les écoute, on arrive à maintenir les personnes en meilleure santé et à les traiter avec dignité. En fait, toutes les personnes que j’ai interviewées dans le projet ont confirmé cette idée. La maison de repos et leur famille sont très impliquées, et leurs soins sont toujours adaptés. Il y a des moments difficiles, c’est certain, mais il y a une dignité humaine et une personnalité qui est très forte. La maladie ne leur a pas enlevé cela.

What Remains - Exposition

Comment ce sont déroulées les visites en maison de repos ?

Si un artiste m’avait approché en me demandant de faire la même chose avec mon père, j’aurais certainement refusé. Parce que justement, je trouve que c’est souvent stigmatisant. On met les personnes presque en danger, du coup, j’aurais eu trop peur.

Au départ, l’idée était de faire au documentaire. Les gens que j’ai approchées dans la maison de repos  n’ont pas supporté cette ambiance. C’était un peu comme une prison. Les portes étaient fermées pour ne pas qu’ils s’en aillent, ils se répètent 15 fois, ça sent « le vieux », etc. Ce n’était pas très agréable.

Mais je suis une personne qui aime les gens. Dans ce genre de projet, on ne peut pas être pressé. J’ai donc pris le temps (3 ans), j’étais à l’écoute. Sur certaines photos, on voyait énormément la maladie, et ce n’était pas mon intention. J’ai vraiment utilisé beaucoup de films, plus que j’en voulais. Au départ, c’était en groupe, mais cela faisait fort « mise en scène », je ne voulais pas ça. J’ai écouté les résidents. Et le fait de prendre le temps, même s’ils ne se souvenaient pas forcément de moi, je crois qu’une confiance s’est installée. D’ailleurs, je dis souvent, les personnes qui ont la maladie d’Alzheimer, c’est comme les enfants. L’enfant ne sait pas toujours s’exprimer mais il a des sensations réelles. Il peut voir des choses que nous ne voyons pas, mais pour lui c’est vrai. Donc, il faut respecter l’autre dans sa réalité à lui. Donc je me suis mise dans leur monde, j’étais très reconnaissante qu’ils m’acceptent.

Quel message souhaitez-vous exprimer à travers « What Remains » ?

Le message est qu’il ne faut pas avoir peur de la maladie d’Alzheimer. La maladie est déjà assez difficile comme ça. L’isolement que subissent les personnes qui en sont atteintes et leur famille sont presque encore plus difficile. Dans toute chose difficile, je crois qu’il y a une opportunité d’agrandissement de soi, d’apprentissage. Dans un échange avec quelqu’un qui a la maladie, on peut toujours apprendre beaucoup de soi mais aussi d’eux. La beauté, l’amour persistent. On ne vole pas cela aux gens.

Vous avez également édité un livre en parallèle de l’exposition.

La galerie m’a demandé si l’exposition était à vendre, mais j’avais plutôt envie qu’elle soit un outil de communication. Que l’on puisse l’utiliser comme un outil pour parler de la maladie. Du coup, il fallait un objet, ou un catalogue. Mais je trouve qu’un catalogue est plutôt ennuyant. Pour moi, ce n’est pas l’objet « photo » qui est important, car je souhaitais raconter une histoire. Cela aurait pu prendre la forme de texte uniquement, ou de peinture. Mais j’ai utilisé du polaroid.

What Remains - Livre

Je me suis dit : comment peut-on raconter leur chemin, leur histoire ? Et comment renforcer l’idée que, malgré que certaines choses s’effacent, il reste quelque chose de très lumineux ? J’ai donc cherché quelqu’un pour m’aider à réaliser un livre. Nous avons lancé une campagne de financement participative pour financer ce livre. Les réponses étaient très positives. Beaucoup de gens avaient peur de la maladie, ce qui les a poussés à soutenir. D’autres avaient vécu cet isolement, d’autres encore avaient envie de célébrer les gens qu’ils avaient aimé qui ont été malades… et ils nous ont soutenu.

Nous avons donc réalisé un livre, qui fonctionne sans l’exposition aussi. Ce livre parle de 14 personnes et un peu ma voix en plus. LE livre est à vendre. Il sera à vendre sur mon site.

Que retenez-vous de tout ce chemin, de tout ce travail de trois ans ?

J’en ressors plusieurs choses. D’abord, que j’aurais dû faire ce projet il y a bien longtemps. Ensuite, qu’il faut dépasser ce que les gens peuvent penser de vous. Je pense que, quand on a une idée qui est forte, dans laquelle on intègre les choses, il faut le faire.

Une autre idée me réconforte vraiment. J’avais cette idée naïve que, quand on aime les gens, quand on les écoute et qu’on les traite avec humanité, il en reste toujours quelque chose de magnifique. Et c’était le cas. Malgré la maladie, ces 14 personnes étaient très apaisées. Elles avaient des choses à raconter et étaient encore très présentes. Cela m’a convaincu que je ne suis pas du tout idéaliste, je crois que c’est du réalisme optimiste. C’est très important car, quand on pense aux maisons de repos, à la réalité, au coût et à l’investissement, la maladie d’Alzheimer est une des maladies pour laquelle on donne le moins de moyens alors que de nombreuses personnes en sont atteintes. Il faut qu’on s’active maintenant pour permettre à ces personnes de vivre dignement  et j’espère aussi, de prévenir cette maladie.

En pratique

  • L’exposition se déroule du 6 septembre au 6 octobre ; du jeudi au samedi de 16 à 20 heures
  • A la Galerie 151, Chaussée de Wavre 145, à 1050 Bruxelles
  • Découvrez le travail de Sarah Basha sur son site internet

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